samedi 18 juin 2011

CRM: Fnac contre Surcouf

Un proche a souhaité acheter un ordinateur portable dans un magasin Fnac. Il est certes jeune, peut-être pas habillé pour une telle circonstance. Il choisit son appareil sur les conseils d'un vendeur, un MacBook pro. L'affaire est faite. Il se présente en caisse avec le produit. Mais il ne dispose que d'un seul moyen de paiement : le chèque. La première étape de la vérification (carte d'identité) se passe normalement. Mais curieusement la caissière va faire appel à un agent de sécurité. De ceux habillés comme des agents de la CIA. Gêne du client, il y a une file d'attente derrière lui. Il lui prend sa pièce d'identité pour faire des vérifications sans que le client (encore potentiel) ne soit au courant de ce qui se trame. Inutile de dire que le compte est solvable. Le client attend une vingtaine de minutes dans une situation pour le moins inconfortable. L'agent de sécurité revient pour venir réclamer une seconde pièce d'identité. Il repart et revient une dizaine de minutes plus tard, pour demander au client de repasser le lendemain en journée pour faire des vérifications auprès de sa banque avec un numéro de téléphone valide. Curieux non? C'est désormais au client de faire la preuve de sa solvabilité. Cette plaisanterie a duré une bonne heure. Le désormais potentiel client, s'en repart penaud et furieux. En termes de relation client, la Fnac ne s'est pas montrée à la hauteur.
En rentrant désabusé chez lui, le potentiel client, devenu de plus en plus incertain, se dit qu'il pourrait peut-être trouver le même appareil chez Surcouf. Ni une ni deux, il s'y rend. Le vendeur argumente mais le client le remercie gentiment car l'argumentaire a déjà été fait par la Fnac. Il prend le produit, passe en caisse, procède à la transaction et s'en retourne très content chez lui. Et tout cela pour une centaine d'euros de moins qu'à la Fnac.
Morale de l'histoire: il vaut parfois mieux se sentir humilié et faire l'économie d'une centaine d'euros.
On peut penser que c'est la morale de l'histoire. Mais elle ne s'arrête pas là. Le client, "reconnaissant" de sa mésaventure souhaite faire part à la Fnac du problème rencontré. Il se connecte au site Internet de l'enseigne et tente de s'y retrouver pour faire part de son message. Aucune possibilité claire de laisser un message. A moins de contacter la hot line payante. Il faut créer son compte avant de pouvoir réclamer. Notre aimable "ex potentiel client" cherche désespérément une rubrique pour faire part de sa mésaventure. Mais rien n'y fait. On peut faire part de problèmes techniques, on peut suivre son compte, etc. mais rien qui ne permette de s'exprimer. Rien on s'entend. Aucun lien évident pour faire part de ses réactions.
Par curiosité, il tente la même démarche chez Surcouf. Il se connecte à leur site pour leur signifier le plus grand bien qu'il pense de son expérience d'achat dans un point de vente Surcouf. Il peut sans autre formalité faire un courrier à Surcouf pour s'exprimer ou appeler une hot line payante. En revanche pour s'exprimer directement sur le site, il lui faut également ouvrir un compte avant de donner son avis, mais les rubriques sont tout aussi inadaptées.

La véritable morale de cette histoire, c'est qu'outre avoir perdu un client, la Fnac ne saura probablement jamais pourquoi. Mais Surcouf ne saura pas non plus pourquoi elle a gagné un client. Les pratiques de ces deux enseignes sont surprenantes et laissent ouvert un champ considérable à la gestion de la relation client. Or on sait depuis bien longtemps que la qualité contractuelle de la relation client et l'accessibilité de l'interface dépositaire de la réclamation sont des conditions essentielles pour que le comportement de réclamation émerge. Or l'expression de la réclamation et sa prise en compte adéquate sont le meilleur moyen pour fidéliser le client et favoriser le développement d'un bouche à oreille positif. Le CRM qualitatif a encore de beaux jours devant lui.


source: R. Ladwein (2003), Le comportement du consommateur et de l'acheteur, Economica, Paris.