vendredi 12 juin 2015

Le hipster est moribond, bienvenue au Yuccie

Le hipster est une figure emblématique de cette dernière décennie. Il a alimenté de nombreux fils d'informations dans les forums et les blogs. Mais qu'était au juste le hipster? Les premières définitions sont floues, mais se sont affinées au cours du temps. On pourrait tout d'abord schématiser le hipster par son aspect. La barbe, le chandail tricoté par maman ou une grand-tante, la chemise de bucheron si possible originaire du Canada, une touche de modernité avec la marque à la pomme. Enfin bref, ce n'est qu'un look possible et de nombreuses variantes existent. La motivation du hipster consiste à se démarquer. A être différent des autres, considérés comme une masse informe que traversent de nombreux courants indéfinissables, le hipster gère une crise existentielle. Il se veut différent, mais il est différent en masse ce qui rend la différence marginale, voire caricaturale. L'ambiguïté ne réside pas dans le fait que les hipsters soient différents mais la différence affichée est la même à quelques ajustements à considérer. Ils se structurent ainsi en communauté alors que la démarche consiste à s'individualiser complètement. A moins d'être copié, l'individu isolé et complètement individualisé a peu de chances d'être sacralisé. La théorie du mimétisme de Girard opère encore. Tous les hipsters se ressemblent. D'aspect. Mais ils se ressemblent aussi par le vide conceptuel et le trop plein d'artifacts marketing.
La société marchande ne peut cependant se passer de sociostyles. Elle vient d'inventer le Yuccie (en fait D. Infante sur le site de mashable.com il y a deux jours à peine), "young urban creative". Qui est-il? Il est plutôt jeune, a abandonné son job bien payé dans le domaine de la banque ou de la finance pour se lancer dans un projet créatif comme une start-up dans le design, la création d'un site web voire un gîte rural ou toute autre production de l'esprit dont il espère qu'elle le fera vivre, dignement et même peut-être confortablement, et qui lui permettra de vivre son rêve. Il investit les quartiers populaires contribuant ainsi à leur embourgeoisement, En fait si l'on y regarde de près, il s'agit d'un self-made man qui tente de s'épanouir à l'ère du tout connecté et de l'Internet. Son projet est pour l'heure personnel et se différencie des projets des autres Yuccies. Sa problématique est toujours la même: être différent. Sa hantise et son désir le plus fou : être copié. Sa coquetterie : faire fortune.
Cette nouvelle création de sociostyle interfère à nouveau avec le marketing. Quel sera le potentiel de cette nouvelle figure? C'est à l'aune de ce potentiel que se jugera le Yuccie. Porteur, le portrait prototypique aura un bel avenir s'il sait offrir des opportunités d'identification et ainsi fédérer une partie de la génération Y dont elle est issue. Le désir mimétique opérera jusqu'à la saturation communautaire, ou le dépassement communautaire. Etre hipster n'est plus dans l'air du temps, alors pourquoi ne pas devenir Yuccie?

Quelques références:
http://mashable.com/2015/06/09/post-hipster-yuccie/
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/hipster-mort-place-au-yuccie/
http://www.franceinfo.fr/emission/france-info-numerique/2014-2015/fini-le-hipster-voici-le-yuccie-10-06-2015-22-10
http://style.lesinrocks.com/2015/06/10/le-hipster-est-mort-vive-le-yuccie/
http://www.slate.fr/story/102785/hipster-mort-yuccie

Photo:  Lucian Freud "'Man's' chef, autoportrait"

Merci à Arthur