jeudi 2 février 2012

S'acheter une célébrité: de l'identification et du désir mimétique

Les ventes aux enchères d'objets ayant appartenu à des célébrités sont fréquentes et les sommes en jeu sont colossales. Les estimations préliminaires sont souvent bien en-deçà des prix atteints lors de l'enchère. Les objets concernés sont parfois anodins parfois exceptionnels. Mais ils sont tous concernés par le même phénomène: ils sont particulièrement prisés par les consommateurs. Une vente aux enchères de 1300 objets ayant appartenu à Jacky Onassis estimée par Sotheby's à 4,6 millions de dollars s'est finalement adjugée à 35,4 millions de dollars. Tous les objets sont concernés. Ainsi un chewing gum usagé ayant "appartenu" à Britney Spears s'est vendu 160 dollars.
Les résultats de cette étude indiquent que les individus sont attachés à ces objets car ils permettent une proximité avec une personnalité connue et appréciée. Alors qu'habituellement ce sont les attributs ou les caractéristiques de l'objet qui déterminent le choix du consommateur, on a à faire ici à une tout autre conception. Ces objets sont considérés par les consommateurs comme des reliques susceptibles de matérialiser ou cristalliser l'attachement du consommateur. En pratique, on observe que plus l'objet à vendre est proche de son ancien possesseur, psychologiquement mais surtout physiquement, plus les individus sont enclins à vouloir acheter l'objet. Ce phénomène s'explique par la contagion fétichiste des caractéristiques de l'ancien possesseur à son nouveau propriétaire. Celui-ci s'approprie ainsi l'ancien propriétaire ou ses caractéristiques, en imaginant qu'elles puissent "déteindre" sur lui. Ce processus ne s'applique que pour les célébrités qui sont appréciées par le consommateur. Lorsque la personne célèbre n'est pas appréciée par le consommateur, ce phénomène ne s'observe pas.
Incidemment on peut encore observer que ce phénomène est accentué lorsque la pression du marché est forte autrement dit lorsque la demande est forte... Plus la pression du marché est forte et plus on souhaite s'approprier cet autre. On n'est pas loin du désir mimétique de René Girard.


Source: Newman G.E., Diesendruck G., Bloom P. (2011), Celebrity Contagion and the Value of Objects, Journal of Consumer Research, 38, August, 215-228.