samedi 21 mai 2011

Garder des objets inutiles ? une question d'identité

Nous gardons plein d'objets dont nous n'avons plus l'usage. De vieux ordinateurs encombrent nos armoires, de vieux livres que nous n'ouvrirons jamais plus. Je ne parle pas des bibelots, de la vaisselle, des vêtements et autres objets qui envahissent notre vie quotidienne. Nous savons qu'ils sont là, ils nous rassurent, mais ils sont transparents. On se dit bien parfois qu'il faudrait s'en débarrasser mais voilà, la décision est reportée. Et puis d'abord à quoi bon, nous avons suffisamment de place. Ils ne nous encombrent pas tant que ça. Ils ne gênent pas. Au fond il y ont leur place.

Tous ces objets, nous les gardons parce que nous ne savons pas quoi en faire. Il y a de la place. Certes. On envisage de les revendre ou de les donner, mais c'est compliqué. Il est plus simple d'invoquer des raisons opérationnelles pour caractériser le fait de les garder. Il y a pourtant des raisons psychologiques à cela. L'attachement à certains objets qui n'ont plus leur place dans la vie quotidienne est bien réel. S'en débarrasser créerait un vide difficile à surmonter. Et puis ces objets pourront toujours resservir un jour. Un jour lointain et improbable. Et puis pour certains objets, on se dit, je n'ai pas le droit de m'en débarrasser. Transmis ou donnés par des proches, ces objets viennent qualifier une relation humaine et s'en débarrasser constituerait une trahison, une violation ou une altération du lien. Enfin il y a des objets dont je suis disposé à me débarrasser, à condition... Je veux bien les donner mais pas à n'importe qui. Ici le transfert de l'objet doit matérialiser une continuité affective. Le récipiendaire se doit d'être à la hauteur de l'objet qui a été investi affectivement.

Les objets ne sont pas neutres. Ils portent une partie de notre histoire. Ils ont "vécu" avec nous. Ils font partie intégrante de notre environnement. Même lorsqu'ils sont renvoyés au grenier ou à la cave. Ils restent présents, attachés à nous par quelque lien invisible. Ils présentent la caractéristique d'être une extension de soi. D'une manière ou d'une autre, ils nous définissent, font partie de notre identité. Pour s'en débarrasser il faut une certaine amnésie. Une période tampon est-elle nécessaire pour faire le deuil d'un support identitaire?


Sources:
- Guillard V. (2011), les consommateurs qui gardent des objets alors qu'ils n'en ont plus l'utilité, Décisions Marketing, 62, avril-juin, 57-65.